C’est par ces quelques mots qu’un ami cadre supérieur dans une multinationale clôturait une récente conversation téléphonique.
Les détectives privés utilisent l’IA pour leurs investigations. J’avais essayé déjà à plusieurs reprises ChatGPT pour de la recherche de personne et des enquêtes de fraude à l’assurance. Mais la nouvelle version proposée par Google, pas encore.
Je me suis alors remémoré un cas d’école évoqué par un avocat lors de ma licence professionnelle de directeur d’enquête. Vous êtes à bord d’un véhicule piloté à grande vitesse par une IA. Surgissent sans prévenir et au même moment 2 individus. A droite, une jeune mère de famille distraite traverse avec un enfant dans une poussette. A gauche, une vieille dame imprudente franchit la voie avec sa canne. Impossible d’éviter l’accident, vous roulez trop vite. Et notre professeur, d’un air malicieux, de nous demander : quelle personne déciderez-vous de percuter pour vous éviter d’aller dans le décor ? Et sur quel critère reposera votre décision ?
L’idée consistait à faire comprendre au détective que derrière l’IA, il y a aussi et surtout une éthique, des algorithmes, des formules en tout genre, et donc des critères imposés par des ingénieurs et développeurs qui ont décidé de penser à votre place. Les résultats en découlent…
Pour tester la capacité de l’IA à collaborer objectivement aux enquêtes, j’ai procédé à quelques tests volontairement déconnectés de mon activité d’enquêteur privé. J’ai par exemple demandé quelles solutions existaient pour se débarrasser des pies dans un jardin. L’IA n’a pas répondu à ma question mais a produit un discours sur la bientraitance animale et la nécessité de faire appel à un piégeur agréé en cas de nécessité.
Là où j’ai commencé à m’amuser un peu, c’est pour tester la capacité de l’IA à penser par elle-même.
Les détectives privés dépendent du CNAPS, autorité administrative rattachée au ministère de l’Intérieur. Comme nous venons de changer de ministre, j’en ai profité pour demander quel bilan qualitatif il convenait de tirer de l’action du précédent ministre. La réponse intéressait le contribuable et l’enquêteur privé que je suis. Le ministre venait de remercier le Président de la République de lui avoir « donné les moyens, budgétaires et politiques, de soutenir les agents du ministère de l’Intérieur. » Il avait déclaré officiellement qu’il quittait le ministère « avec le sentiment d’avoir servi le mieux qu’il pouvait son pays » et il s’était même félicité d’avoir « transformé profondément cette magnifique administration par plusieurs réformes que beaucoup jugeaient impossibles de mener à bien. » Il avait cité notamment « la modernisation de la sécurité privé. »
C’est vrai que sur ce dernier point, j’avais remarqué au Carrefour de mon quartier que le vigile avait troqué son tee-shirt dépareillé pour un polo tout neuf estampillé sécurité privée, ce qui n’était d’ailleurs pas sans m’interroger sur le rattachement de ma profession à ce secteur d’activité. Question modernisation, je n’avais rien remarqué de particulier, en dehors de l’explosion de mes charges URSSAF qui menace ma capacité à moderniser mon activité.
Bref, ayant eu le budget requis pour entreprendre son action et le ministre s’étant félicité lui-même pour son travail, j’ai voulu regarder les chiffres pour voir si son discours rejoignait la réalité statistique. Sans réaliser d’enquête approfondie, j’ai constaté que l’évolution des crimes et délits entre 2021 et 2023 témoignait comme d’un malentendu.
J’ai donc demandé à Gemini et ChatGPT de m’éclairer.
Même avec des machines, j’ai senti au départ que leurs réponses se contorsionnaient dans tous les sens et qu’elles éprouvaient, ce qui était d’ailleurs plutôt inquiétant, comme un sentiment de solitude à devoir répondre à des questions toujours plus précises. Au début, la machine répond un peu à côté. Elle vous parle de « plusieurs facteurs », rappelle qu’il y a « des défis majeurs » ou des « impondérables » comme le COVID ou les attentats terroristes. Et puis, au bout de quelques minutes, une fois qu’elle a compris que vous n’êtes pas complètement naïf, l’IA finit par approcher un peu de la vérité. Un peu comme dans un entonnoir. A la fin, pour sortir, il n’y a plus dix mille chemins.
Pour justifier un « bilan plutôt contrasté », Gemini a mis en avant « les violences policières » et la « lutte inachevée contre les discriminations » et ChatGPT « la dégradation des indicateurs de criminalité. » ChatGPT a même enfoncé le clou en déclarant que le bilan du ministre n’était « pas entièrement négatif », comme si l’IA reformulait à sa manière le « globalement positif » employé par Georges Marchais pour qualifier le bilan de l’URSS.
De ce fait, malgré mes réserves sur des résultats nécessairement orientés, je crois pouvoir dire que l’intelligence artificielle me parait de bon conseil pour l’enquête et la réussite du détective privé. Comme pour les discours officiels, cela n’empêche pas de rester prudent.
Cabinet Raspail : – Détective privé présent à Paris et Angers. Enquête sur toute la France.
Domaines d’intervention : fraude à l’assurance, recherche de personne, enquête de solvabilité, escroquerie, enquête de moralité, enquête familiale, déloyauté du salarié etc. Filature et surveillance sur tout dossier dont la légitimité est avérée.
